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Un Château Royal (Xè - XIVè siècle)
Les Capétiens
Au Xè siècle, la ville de Dourdan appartient au domaine particulier du duc de France, Hugues le Grand. En 956, ce dernier meurt à Dourdan et est enterré à l'abbaye de St-Denis.
Après son couronnement, son fils Hugues Capet rattache Dourdan au domaine royal. Un château, sans doute en bois, se dressait au coeur de la ville mais en l'absence de toutes traces archéologiques, son emplacement exact n'a pas encore été déterminé.
Le château royal
Le XIIIè siècle est une période majeure pour l'histoire de la ville. Philippe Auguste décide la construction d'une vaste forteresse de pierre de plan presque carré. Le château construit entre 1220 et 1222 est l'aboutissement du système dit philippien qui se caractérise par un plan régulier, un large fossé, des tours rondes aux angles, dont la plus importante est la tour maîtresse (le donjon), trois tours de flanquement et un ouvrage d'entrée.
En 1240, son petit-fils, Saint Louis (Louis IX), donne Dourdan en douaire à sa mère Blanche de Castille. Vingt ans plus tard, le domaine est transmis à sa femme Marguerite de Provence.
En 1307, Philippe IV le Bel donne le château à son frère Louis d'Evreux. La famille en sera propriétaire jusqu'en 1400.
Le scandale de la tour de Nesle
Le donjon de Dourdan abrite en 1314 une prisonnière célèbre, Jeanne de Bourgogne, dont l'histoire est relatée dans le livre de Maurice Druon Les Rois Maudits.
Les épouses des trois héritiers de Philippe IV le Bel sont accusées d'adultère lors du scandale de la Tour de Nesle: Marguerite de Bourgogne, femme de Louis X le Hutin, Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe V le Long, et sa soeur Blanche de Bourgogne, femme de Charles IV le Bel.
Compromise, Jeanne de Bourgogne est enfermée pendant un an le temps du procès. Elle séjourne dans le Donjon du château de Dourdan qui appartient à son oncle par alliance Louis d'Evreux. Innocentée, Jeanne devient par la suite reine de France.
En revanche, sa soeur Blanche de Bourgogne et sa cousine Marguerite de Bourgogne sont condamnées pour adultère et enfermées à Château-Gaillard. Marguerite y meurt assassinée en 1314. Blanche obtiendra l'autorisation de prendre l'habit de religieuse.
Les Grands Seigneurs (XVè - XVIè siècles)
De 1400 à 1416, le domaine est cédé à Jean de Berry, frère de Charles V. Il embellit l'ancien logis de Philippe Auguste comme en témoigne la célèbre enluminure des Très Riches Heures. A sa mort, Dourdan et Etampes sont transmises à son arrière-petit-fils, Jean de Bourgogne.
La Guerre de Cent Ans
Le château et la ville sont assiégés à maintes reprises au cours de la lutte fratricide entre les Bourguignons et les Armagnacs.
En 1428, la ville est attaquée par les troupes anglo-bourguignonnes dirigées par le comte de Salisbury et la population est décimée.
En 1430, Etienne de Vignolle, dit La Hire, compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, est enfermé dans le donjon le temps du paiement de sa rançon.
La Renaissance
En 1513, Louis XII, ruiné par les guerres, engage Dourdan à Louis Mallet de Graville, ancien conseiller de Louis XI. A sa mort, le domaine est rendu au roi.
François Ier, propriétaire de la ville, l'offre en 1536 à sa favorite Anne de Pisseleu, duchesse d'Etampes. Cette possession lui est reprise par Henri II en 1547 pour être vendue à François de Guise.
Les guerres de religion
Catholiques et huguenots s'affrontent pendant tout le XVIè siècle. En 1562, des mercenaires à la solde des protestants s'emparent de Dourdan et Etampes. Puis, les troupes catholiques conduites par François de Guise récupèrent le domaine.
En 1567, les protestants dirigés par Montgomery assiègent la ville qui est pillée. C'est alors que disparaissent toutes les archives du château. La même année, Dourdan est reprise par les troupes royales du Parti catholique.
En 1587, le duc de Guise, Henri le Balafré, chef de la Ligue, établit son quartier général dans le château, propriété de sa mère, Anne d'Este.
En 1589, Henri IV, héritier du trône de France, doit reconquérir son royaume ville par ville. En 1591, son armée assiège Dourdan qui s'était retournée contre le roi protestant.
Le capitaine Jacques Dargiens, gouverneur pour la Ligue, renforce les défenses du château: terrassements, comblement des communs, souterrain reliant la cour au donjon... Cependant, l'artillerie puissante du maréchal de Biron va causer des dégâts considérables.
La forteresse est laissée à l'abandon: la courtine sud est éventrée par les tirs, toutes les parties supérieures sont détruites, la chapelle a quasiment disparu, le donjon a perdu son couronnement...
En 1597, le château est vendu à Nicolas de Harlay de Sancy, surintendant des finances et ami d'Henri IV. Il fait raser l'ancien logis médiéval situé le long de la courtine sud et construit à son emplacement un nouveau bâtiment.
Les aménagements (XVIIè - XIXè siècles)
Sully, nouveau surintendant des finances d'Henri IV, rachète la terre de Dourdan suite à la disgrâce de Harlay de Sancy. Il fait combler le fossé entre le donjon et la cour, entreprend de nombreux travaux de restauration, dont le dérasement des parties hautes abîmées par le siège de 1591.
Louis XIII rachète Dourdan à Sully et le donne en douaire à sa mère Marie de Médicis.
En 1652, Louis XIV engage Dourdan à sa mère Anne d'Autriche. Le château est laissé à l'abandon, dépouillé de ses meubles par les gouverneurs qui en ont la charge. Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV, reçoit Dourdan en 1672 qui désormais n'appartient plus à la couronne. Le château est remis en état mais les appartements demeurent vides et fermés.
Un château prison
En 1690, le duc d'Orléans, qui n'habite pas le château, décide de transférer dans le donjon les anciennes prisons de la ville. Elles se trouvaient non loin de la forteresse rue de la Vieille-Geôle (actuelle rue de l'Abreuvoir).
Le donjon est réaménagé avec un faux plancher qui divise la salle de garde en deux niveaux. Des barreaux de fers ferment toutes les ouvertures, des portes, munies de guichets et de verrous, sont installées.
En 1792, le château, acheté par le département de Seine-et-Oise, devient prison départementale. Les hommes restent enfermés dans le donjon, les femmes occupent désormais toute l'aile sud. Un grand mur divise la cour en deux, de part et d'autre sont dressés des ateliers où travaillent les prisonniers.
En 1818-1819, la prison est transférée à Poissy, néanmoins une prison municipale et un "dépôt" de militaires dans le donjon sont maintenus jusqu'en 1852.
Le donjon
Entrée du donjon
La tour maîtresse
Au Moyen-Age, on emploie le terme de tour maîtresse ou grosse tour. Ce n'est qu'à partir du XVIIIè siècle que le mot donjon apparaît dans le vocabulaire de l'architecture.
L'originalité du système philippien est la généralisation de la tour maîtresse circulaire. Elle est édifiée sur le modèle de la tour du Louvre à Paris dont relèvent tous les fiefs de la Couronne.
Cylindre nu, isolé de la place par des fossés, la tour philippienne n'est jamais résidence du maître, mais symbole de pouvoir capable d'une défense autonome. Placée au centre de l'enceinte du Louvre, la tour philippienne s'impose par la suite en angle des enceintes; elle possède alors un accès côté place, un autre côté champs.
Le château de Dourdan est l'expression la plus aboutie du plan philippien complet. C'est l'un des derniers construit par le roi, peu avant sa mort en 1223.
La prison du château
A partir de 1672, le château, propriété de Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV, est transformé en lieu de détention. L'enfermement est avant tout préventif. Toute population considérée comme menaçante pour l'ordre social, familial ou public est incarcérée derrière les hauts murs de la forteresse.
Vendu le 15 juin 1792 au département de Seine-et-Oise pour 10000 francs, le château sert de maison de force départementale jusqu'en 1819, où, durant cette période, il y a jusqu'à plus de 300 détenus.
Oubliette ?
Cave ?
Escalier
A l'étage
Prisonniers célèbres du château de Dourdan
Bernard de Saisset. Fils d'un chevalier du Languedoc, abbé de St-Antonin de Pamiers, il est nommé évêque de Pamiers par Boniface VIII en juillet 1295. Il est connu pour ses démêlés avec le comte de Foix et surtout avec le roi de France Philippe le Bel, à qui il refusait sa légitimité en Languedoc. A la suite de la mise sous séquestre de ses biens, il accuse le roi de préférer la chasse aux séances de conseil et va même jusqu'à le traiter de faux-monnayeur !
Bernard de Saisset est alors arrêté à Pamiers le 13 juillet 1301. En septembre, il est conduit au donjon du château de Dourdan puis, le 24 octobre il est amené à Senlis où a lieu son procès, pour hérésie et injures envers le roi. Le pape ordonne alors sa libération, menaçant le roi de France d'excommunication. Ce fait envenime un peu plus les relations entre Boniface VIII et Philippe le Bel et débouche sur un grave événement, l'attentat d'Anagni où le roi de France décide d'envoyer une troupe de soldats en Italie pour séquestrer le pape. Finalement Bernard de Saisset sera expulsé à Rome. Il revient en France en 1308 et reprend sa charge d'évêque de Pamiers. Il y décède en 1314.
Etienne de Vignolle, dit La Hire. Il est né vers 1390 au château de Préchacq en Gascogne. Très tôt, avec son compagnon Xaintrailles, il combat les Anglais. Son surnom vient du fait qu'il a été surnommé "La Hire-Dieu, Ira Dei: la colère de Dieu". En 1427, en difficulté à Montargis, il prononce ces mots: "Dieu je te prie que tu fasses aujourd'hui pour La Hire autant que tu voudrois que La Hire fist pour toi s'il estoit Dieu et que tu fusses La Hire".
En 1429, il participe à la "journée des harengs" et entre rapidement au service de Jeanne d'Arc. Il part à Blois le 22 avril et combat à ses côtés au siège d'Orléans. Il essaie ensuite de la délivrer à Rouen mais il échoue et est fait prisonnier par les Anglais. Il est alors transféré au château de Dourdan. Il est libéré en mars 1432 contre une forte rançon. Il repart ensuite en campagne avec une troupe de routiers. Il meurt à Montauban en janvier 1443.
Il passe à la postérité quand le valet de coeur des jeux de carte prend le nom de La Hire.
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